Évocations / Recollections
« Je pense que les images du Fontainebleau de Morris Lapidus, dans Le Dingue du Palace de Jerry Lewis, ont été une rencontre importante de mon enfance. Bien plus tard, alors que je travaillais sur le Delano, je me suis souvent rendu sur les lieux traversés par le catastrophique Stanley.
Nuit et Brouillard de Resnais que j’ai vu très tôt m’a beaucoup impressionné ; j’y ai rencontré le mal absolu, souligné par une musique d’effroi, dont j’ai su ensuite qu’elle avait été composée par Eisler.
Mon éclectisme musical est-il l’expression de mon amour du collage, du goût de la surprise ? De Bernard Dimey aux Comedian Harmonists, de Rachmaninov aux Dead Kennedys et Dean Martin, j’aime la découverte. Avec peut-être une pensée particulière pour Django et Wilhelm Furtwängler. Cela dit, je n’ai pas encore écouté Rienzi d’une seule traite !
Si le cinéma sous toutes ses formes reste une grande source d’inspiration pour ma génération, le théâtre l’est sans doute pour moi de façon plus intime. Chéreau, Mc Burney, Castorf, Marthaler – là aussi, la multiplicité des moyens me séduit, la succession d’instants proches et distants, d’associations improbables et nécessaires.
De Chirico. Mystère et mélancolie d’une rue. Sentiment d’étrangeté d’angoisse et de nostalgie. L’élan de la jeune fille, la présence rigide de l’ombre. La vibration immobile de la chaleur qui écrase la rue. L’opposition des deux bâtiments, installés dans deux espaces différents. Au centre, le fourgon de bois, béant. Tout dans ce tableau crée à mes yeux un univers d’incertitude tranquille, où la matière cède entièrement à l’esprit. Une source d’inspiration permanente. »
« I think that the images of the Fontainebleau Hotel in Miami by Morris Lapidus in the Jerry Lewis movie The Bellboy represented an important encounter in my childhood. Much later, when I was working on the Delano Hotel, I often went to visit the places crossed by the catastrophic Stanley.
The movie Night and Fog by Alain Resnais, which I saw when I was very young, impressed me greatly. There I met the absolute evil, underlined by a disturbing music score, which I later discovered, was composed by Hanns Eisler.
Is my musical eclecticism an expression of my love of collage, of a taste for surprise? I enjoy the process of discovery, from Bernard Dimey to the Comedian Harmonists, from Rachmaninoff to the Dead Kennedys and to Dean Martin. With perhaps a special thought for Django Reinhardt and Wilhelm Furtwängler. Having said that, I have not listened to Rienzi without stopping once yet!
If cinema in all its forms remains for my generation a major source of inspiration, theater is without doubt a more intimate one for me. Chéreau, McBurney, Castorf, Marthaler – here, too, I am seduced by the multiplicity of means, by the succession of close and distant moments, of improbable and necessary associations.
The painting of Giorgio de Chirico Melancholy and Mystery of a Street: the feeling of strangeness, of anguish and nostalgia, the force of the young girl, the rigid presence of the shadow, the fixed vibration of the heat that flattens the street, the opposition of two buildings set up in two different spaces. In the middle, the gaping wagon of wood. In my opinion, everything in this painting creates a feeling of tranquil uncertainly, where the substance gives way entirely to the spirit. A source of permanent inspiration. »